Muang Ngoi, petite bourgade au bord du fleuve inaccessible par les terres. Le but premier de notre visite est de se reposer et découvrir ce village touché depuis peu par le tourisme mais sans que ça se ressente de trop. Finalement, on va s’embarquer dans un tout autre séjour.. On rencontre un ancien professeur, Kong Keo, qui s’est totalement reconverti en guide de la région. Depuis le début du voyage au Laos, on cherche un endroit parfait où faire un trek. Phongsaly semblait être le lieu idéal pour rencontrer la tribu akha mais le trek était très cher et beaucoup trop touristique. Du coup, on se laisse séduire par un trek de 2 jours avec ce professeur pour la modique somme de 15$/pers par jour, repas inclus.
C’est donc le lendemain, à 8h du matin, qu’on part à 3 sur des petits sentiers de montagnes. Un épais brouillard nous accompagne pendant les 2 premières heures de marche pour ensuite laisser place à un soleil radieux. On traverse des rivières avec une petite appréhension de trouver des sangsues sur nos jambes. Mais rien de tout ça..
Pendant la balade, Kong Keo nous explique de nombreuses légendes sur Bouddha, les moines et les habitants. Il nous fait aussi goûter quelques fleurs et feuilles médicinales qu’on rencontre sur notre chemin. L’une des fleurs, petite et mauve, est mâchée pour la sensation qu’elle offre en bouche. C’est comme si on mettait une pile sur la langue et qu’elle s’engourdit au contact avec la plante. Evidemment, on essaye et c’est tout à fait ça, comme un petit courant électrique sur le bout de la langue. Il nous montre également une grande feuille qui ressemble à l’épinard. Personne ne la mange, excepté quand ils pensent qu’un des habitants a le paludisme. Il doit alors l’ingérer sous forme de thé. Si la personne en est malade, c’est qu’elle n’a pas le paludisme alors que si, toutefois, il n’y a pas d’effets secondaires, vous connaissez le verdict ! On cassera également la racine d’un buisson qui permettra de faire notre thé une fois arrivé au village où on passera la nuit.
La journée est assez éprouvante, on marche tout de même pendant 7h alors qu’il fait très chaud. Vers 16h, on arrive enfin au village Khmu où on va dormir chez l’habitant. L’ambiance est très spéciale car ils ne voient pas souvent des blancs.. Certains nous observent de loin, les bébés pleurent et les chiens viennent nous sentir.
Kong Keo discute avec des villageois et on entend souvent le mot « Falang » dans leur conversation. On comprendra par la suite que ce mot signifie « étranger » et que c’est de nous qu’ils parlaient !!!! C’est un jour spécial, les habitants célèbrent la fête des esprits. Pour l’occasion, ils sont tous réunis au centre de la bourgade, dance et whisky laotien sont au rendez-vous. On ne passe évidemment pas inaperçu, le chef du village s’approche de nous et nous offre un verre de bienvenue. C’est du lao-lao et en guise de respect, on doit le boire cul-sec.. Vous savez tous, au combien c’est difficile de boire un shot de tequila en soirée. Alors imaginez un double shot, lors d’une fin d’après-midi encore ensoleillé, après 7h de marche et en ayant mangé du riz 4h avant.. Pas facile, je vous l’accorde ! On goûte un dessert à base de coco et de riz noir, assez spécial.
Kong Keo nous montre les habitations typiques des Khmu. Elles sont construites en bambou. C’est un matériel très prisé car il n’est pas cher et disponible partout dans la région. Le seul inconvénient c’est qu’il faut changer le bois tous les deux ans. On visitera une des maisons plus tard, celle dans laquelle on va passer la nuit.. Ce village compte 250 personnes, dont 48 familles ce qui fait en moyenne 5-6 membres par foyer.
Notre guide nous emmène vers le terrain de football où on retrouve des dizaines d’enfants qui jouent ensemble. Il nous annonce que c’est l’heure de la douche et nous montre une sortie d’eau à même le terrain de jeu.. Heuu, ouais ! On a voulu du local et bien on est servi ! C’est parti, on se met en maillot.. En sachant qu’ils sont très pudiques, rom m’aide à maintenir un paréo autour de moi.. Quel moment de fous rires surtout quand le tissu, imbibé d’eau, commence à me coller la peau, rendant le nettoyage encore plus difficile!! Heureusement, les enfants ne semblent pas intéressés par la scène inhabituelle de deux blancs se lavant dans leur douche « publique ».
En remontant au village, Kong Keo nous quitte un moment car il part à la recherche d’un canard pour le repas du soir. Pendant son absence, on est témoin d’une scène assez horrible. Un cochon est attrapé par ses pattes arrières et ligoté sur un scooter car ils vont l’emmener au marché pour le vendre. Je pense que vous avez déjà tous entendu un cochon hurler.. Les enfants avaient les yeux rivés sur l’animal avec leurs mains placées sur les oreilles ! J’avais envie de faire pareil mais je me suis abstenue de peur que se soit mal vu.. Du sang coulait du groin de la bête, preuve que ce moment fut tout aussi éprouvant pour lui que pour nous. Après cet instant fort en émotion, on retourne vers le terrain de foot pour se changer les idées en allant voir les enfants. A peine l’appareil photo sortit qu’ils se précipitent tous vers nous en criant de joie. Je prends quelques clichés d’eux et leur montre à chaque fois, ce qui les amusent beaucoup. En remontant vers le village, ils nous suivent, certains répètent quelques mots de notre conversation en français, d’autres nous font signe de la main en nous envoyant des bisous. Adorables !
On se laisse distraire par Kong Keo qui revient, un canard VIVANT à la main.. Oh mon Dieu, est ce qu’il va faire ce que je pense qu’il va faire. Il a fallu 2 coups de bâton pour le tuer ! Je n’ai pas pu assister à la scène.. trop sensible ! Ensuite, ils le déplument et commencent à préparer le repas.
En attendant, Rom et moi nous asseyons sur un banc dans la rue principale afin d’observer la vie quotidienne du village. Et c’est hallucinant comment ces gens n’ont rien à faire vu que leur récolte est finie. Ils attendent que les mois pour cultiver recommencent. Du coup, ils passent leur temps à marcher d’un bout à l’autre de la rue. Parfois, ils changent leur direction pour récupérer un bébé qu’ils placent sur leur dos et repartent de plus belle. On surprend une vieille dame en train de préparer une mixture qui est connu sous le nom de « Betel ». C’est la graine d’une plante qui fait office de drogue douce et une majorité des personnes âgées, dans les petits villages, la consomme. On les reconnait parce que leurs dents et leurs lèvres sont rouges de part ce qu'ils mastiquent. On est accosté deux-trois fois par des hommes nous demandant des médicaments parce qu’ils ont soi-disant mal à la gorge ou une blessure due à une morsure de cochon. On sait très bien qu’ils sont juste désireux de nos petites pilules afin de les brûler pour ensuite les ingérer sous forme de drogue. Du coup, on nie le fait qu’on en a dans notre sac..
C’est l’heure du repas, on est appelé dans la pièce de séjour qui fait office de salon, cuisine, buanderie et salle à manger, 20m² maximum.
Des petits tabourets sont éparpillés autour d’une table garnie de nombreuses assiettes remplies de nourriture. Le feu qui a servit à la cuisson des plats brûle encore dans la pièce ce qui nous tient chaud. La famille qui nous accueille s’installe à table avec nous.. Au menu : riz collant, canard & soupe de légumes. Les baguettes sont de sorties pour notre plus grand bonheur vu qu’après 5 mois, on commence à gérer =D ! La mère de famille reste près des fourneaux afin de pouvoir resservir la moindre personne désireuse d’une nouvelle assiette. C’était vraiment très bon !
Le guide est l’intermédiaire évidement et il répond volontiers à nos questions. Il explique aussi les spécificités des événements de vie du village càd quand il y a une naissance, un mariage ou un décès. Tellement différent de chez nous.. Par exemple, la femme qui vient d’accoucher est mise sous un régime spécial le temps qu’elle allaite son enfant. Ca peut durer des années.. Ou encore, lorsqu’une personne décède, elle est placée dans la famille et pendant 3 jours, les gens qui le souhaitent peuvent venir faire une bénédiction/prières. Pendant cette période, ils font également une grande fête en l’honneur de la personne et de ce qu’elle a apporté dans la vie de chacun. C’est une soirée très enrichissante ! La pièce se vide petit à petit vu qu’il commence à faire tard. Cette tribu vit aux rythmes du soleil car ils n’ont pas d’électricité, d’où l’utilisation de feux comme taques de cuisson. Ce qui veut également dire qu’ils se réveillent lorsque le soleil se lève. On part alors se laver les dents, direction la toilette rustique de la maison qui se trouve à l’extérieur. Dès notre entrée, nos yeux s’arrêtent nets sur l’énoooorme araignée dans la cuvette (13 cm de diamètre AU MOINS). Elle décide enfin de partir et lorsqu’elle bouge, on la suit évidement avec le faisceau de la lampe de poche. Arrivée sur le poteau, c’est une vision d’horreur. Il y a des araignées partout autour de nous, des dizaines et des dizaines à quelques centimètres à peine de nos têtes. Brrr !
On retourne dans la maison et Kong Keo nous montre l’endroit où on dort. Des paillasses sont placées à même le sol au milieu d’une pièce enfumée par le feu qui a servit pour la cuisine. Des petites chambres se trouvent sur le côté, juste assez grande que pour mettre un matelas, c’est là que dorment les locaux. Ni une, ni deux, on s’endort en plaçant une étoffe sur nos nez pour ne pas s’asphyxier pendant la nuit.
Le lendemain, réveil à 7h pour prendre le petit déjeuner : riz – haricots ! On doit retourner à Muang Ngoi, donc on se prépare à reprendre la route.
Avant de quitter le village, on fait un crochet par l’école qui, malheureusement, ne durera pas longtemps. Les professeurs sont en pleine réunion avec les enfants et la discussion tourne autour de ce qui est bien ou pas bien. Ne voulant pas déranger, on décide de ne pas faire acte de présence et de partir discrètement alors que 4 bambins nous observent nous éloigner, intrigués..
Les paysages sur le chemin du retour sont tout aussi magnifiques. On finira le trek par la traversée de deux villages et de rizières.. Il nous faudra 5h pour rejoindre Muang Ngoi où on dînera avec Kong Keo avant de le quitter et de nous diriger vers la frontière pour rejoindre le Cambodge.
Laos : coup de cœur de ce voyage en Asie du Sud-Est <3 !!